Espoir, tu es ma prière,

Il était dix huit heures, la journée de bureau s’achevait pour Mona. Déjà la nuit tombait, elle regagnait d’un pas vif, le parking où elle garait sa voiture, aussi noire que la nuit. Elle poussa fébrilement le bouton, et le ronron s’enclencha. Ses doigts effleuraient le poussoir des phares et elle entamait le chemin du retour vers sa demeure. Elle pensait déjà à son compagnon, ce, si fidèle chien qui l’attendrait derrière la porte et comme de coutume, lui ferait fête et la guiderait jusqu’à la cheminée où elle déposait les « récompenses » qu’elle distribuait dès son arrivée, avant même de quitter son manteau. Encore toute une soirée se profilait, du temps et encore du temps pour elle. Elle adorait profiter de ces longues soirées pour se détendre, lire, écrire parfois sur son petit cahier d’écolier, les idées qui lui venaient à l’esprit, comme ça, sans effort. Des images, des pensées toujours imprévues, sans même qu’elle n’en eut pris conscience. Ce soir, elle alluma la télévision pour prendre connaissance des nouvelles du jour, encore bien tristes aujourd’hui. Le présentateur parlait encore d’incidents, de faits divers tragiques, puis on ne sait pourquoi, un mot fit écho dans sa tête, le mot ESPOIR. Du coup, une foule d’idées lui venaient. Un questionnement l’obsédait subitement. Quel espoir ? Existe-t-il plusieurs sortes d’espoir ? Qui se cache derrière ce mot ? Soudainement, elle se mit à repasser toute sa famille, ses amis, un à un pour évaluer ce qu’ils attendaient de ce nom Espoir.

En premier, sa maman, qui venait de fêter ses quatre vingt ans, avait-elle des espérances cachées ? Bien sur que oui, elle espérait que tout aille bien pour chacun de ses enfants, que la maladie s’écarte de leur chemin, qu’ils trouvent une voie d’apaisement et de bonheur. Quoi de plus logique en soit.

Pour elle, l’espoir ressemblait un peu à un Dieu, une protection divine que l’on sollicite. On attendait tout de lui, comme si, le simple fait de prononcer son nom, pouvait résoudre, éloigner les angoisses du cœur d’une mère si dévouée, qui avait tout naturellement dédié sa vie à leur bien être. C’était une prière que l’on murmure dans sa tête, et que l’on souhaite au plus profond de soi, voir se réaliser.

Mais pour elle aussi, il existait son propre espoir, celui de partir sans douleur, sans souffrance, et quitter cette vie, l’esprit serein d’avoir conduit ses enfants vers une autonomie, de leur avoir transmis les valeurs, l’âme plus légère en phase d’une mission accomplie. Mona repensait aussi à Paul, un ami de longue date, quels pouvaient être ses espoirs ? C’était un jeune cadre dynamique, sa vie était tellement tournée vers sa carrière. Il désirait établir une assise professionnelle, la base certaine de la construction de sa vie. Il envisageait de s’assurer un « confort financier » pour réaliser tous ses rêves. Le monde des loisirs, sans cesse repoussé, avant d’atteindre le poste qu’il visait. Il avait confié, plusieurs fois, qu’il freinait ses engagements vers d’autres projets, tant que ce seuil, ne serait pas atteint. Son espoir se focalisait sur ce projet abouti qui pour lui, serait l’accès à tous les vœux qu’il n’osait encore prononcer et évoquer devant les siens. L’espoir était un intermédiaire, comme un passage obligatoire, un droit d’entrée à la Vie. Pour un autre de ses amis, l’espoir prenait le visage d’une infirmière, celle qui prend soin de tous ses états d’âme. Il voyait une femme, une mère, qui lui tiendrait sa main, lui offrirait la sécurité, qui calmerait ses angoisses, qui à son chevet, chaque soir, lui annoncerait un demain sans embûche. Son besoin d’espoir masquait ses doutes, ses peurs de la vie, comme un enfant qui refuserait de lâcher la main de sa protectrice. Les enfants, eux aussi, connaissent l’espoir. Pour eux, l’espoir est un ami, un confident. Ils ont cette franchise de le montrer, ils le dévoilent aux copains, aux parents, et n’éprouvent pas le besoin de le taire mais bien plutôt de le partager. L’espoir, n’est pas une faiblesse, un manque, mais une force, un biais pour affirmer les vœux et en éviter le jugement des grands. Très souvent, il se montre sous l’apparence d’un doudou, le confident de l’espoir. On lui confie tout, il est son clone, l’être qui peut penser pour lui, et si parfois, il se trompe, alors il sera le seul responsable de l’erreur, et un gros câlin suffira à le déculpabiliser, car il est le doudou, l’être cher. Mais quels sont les espoirs des enfants ? Une de mes nièces m’a confié sans détour, qu’elle demandait à son ours, de réconcilier ses parents. Elle avait confié cette si lourde mission, à ce petit ours brun de 20 cm, à l’oreille délavée, force de tant de papouilles. Elle croyait tant en lui, et elle usa de ce courage extrême pour l’avouer « son dernier espoir ». Repensant à sa nièce, Mona laissa glisser de très fines larmes sur ses joues, tant elle était émue. Comment cette enfant s’accrochait à cet espoir, avec tant de force, de justesse dans le cœur? Quelle leçon pour nous, le monde des adultes, où si souvent, nous cherchons des excuses, des stratagèmes pour ne pas dévoiler nos faiblesses, nos besoins d’espérer. Combien nous manquons d’honnêteté, à refuser et à nier notre vraie personnalité. Mona s’interrogeait à son tour, sur ses espoirs. En tant qu’adulte, le nombre des espoirs qu’elle vénérait, se bousculait, se mélangeait dans sa tête, tant ils étaient nombreux. Peut être, devait elle combattre toutes « ses exigences ». On veut tellement de la vie, le bonheur, l’amour, les enfants, la santé, l’argent… et quoi encore. Mona faisait son propre constat d’adulte, de femme. On veut Tout, on n’est plus à même de mettre des priorités, de définir les vrais espoirs de simples désirs ou caprices d’enfants gâtés. Il était impératif de faire du ménage dans ses idées, et c’est ainsi, qu’il lui apparut une distinction fondamentale à instaurer. L’espoir, c’est celui à qui on demande l’impossible, on lui reconnaît qu’il est le Seul à nous venir en aide, lorsque toutes les missions ou opérations que l’on a engagées n’ont pas abouties. L’espoir, n’est pas l’instrument d’une fée, une baguette magique, devant laquelle, on débite des formules magiques, et qui accomplit tout de go, nos souhaits. Mona, souriait un instant, en évoquant une fée, il s’agissait d’une protectrice bien légitime des filles, mais pour les garçons, il pourrait être baptisé l’enchanteur. L’espoir est d’une très grande richesse, et elle n’allait pas le dépenser à tout va. Il devait, comme tout ce qui est rare, profond, le destiner à de nobles missions. Pour elle, l’espoir, il était son compagnon, celui qui partageait sa vie de tous les jours. Et même, si elle ne l’évoquait pas devant les siens, il prenait bien le visage de son légitime époux. Il était son moteur dans la vie, il lui ouvrait les portes, qu’elle n’osait pas pousser, elle tentait de se surpasser, de lui prouver qu’elle était digne de lui. L’espoir est vital, il est la source de l’amélioration. Pour la seconde fois, elle se prit à rire. Elle venait de le comparer à un moteur. Quelle image saugrenue ? L’instant passé, elle décida, que la vraie image de l’espoir, c’est un cœur. Celui qui bat, qui refuse d’accepter les situations, qui luttent sa vie durant pour le bien. L’espoir que Mona formulait, était bien dans des messages d’amour, de compassion. La vie de tous les jours peut bien être abordée sans, mais si elle se déroule dans un esprit humain avec un cœur, tout est changé. Toutes les valeurs sont dépassées, surpassées, multipliées. L’espoir est aussi dans la grandeur de notre cœur. Ce cœur qui envoie des messages d’aide, de petits SOS à mon si cher compagnon, qui se nomme l’espoir. Espoir soit ma force, et protège les miens, c’est ainsi que Mona finit son introspection par cette simple prière.